"Il arrive parfois"
Une campagne de communication et une exposition photographique
sur les dépressions périnatales
Département de Maine-et-Loire
2023-2024
Cette exposition photo met en scène des scénarios imaginés par des femmes et des hommes touchés par la dépression périnatale. Soit parce qu’ils l’ont vécue ou la vivent encore eux mêmes, soit parce qu’ils en ont été les proches témoins. C’est ainsi que des mères, des conjoints, des enfants devenus grands et/ou des professionnelles de l’accompagnement et du soin ont choisi de poser leur regard sur ce mal-être. Certains ont accepté de se dévoiler, d’autres ont préféré confier le rôle à un figurant.
C’est avec beaucoup d’intensité qu’ils cherchent à transmettre un vécu, des émotions, une histoire et toute la complexité des dépressions périnatales, une maladie aux multiples visages.
Chaque photo est accompagnée d’un texte rédigé par leur soin. Cette exposition se veut un témoignage fort et poignant pour mieux comprendre ce que ces femmes et ces hommes traversent, pour aider à sensibiliser le plus grand nombre et pour aider à libérer la parole. Car il arrive que l’arrivée d’un enfant ne soit pas si facile…
« Pourquoi ? Pourquoi moi je n'y arrive pas ?
Je ne comprends pas, j'ai si honte, je voudrai disparaître, que ça s'arrête, je l'aime tant mon enfant. Et pourquoi eux ne voient pas ou ne veulent pas voir, ne comprennent pas et jugent si facilement…
C'est tellement plus simple, plus facile que de l'affronter. La souffrance psychologique doit être tue. Heureusement quelqu'un m'a tendu la main. Enfin entendue, comprise, aidée avec bienveillance et persévérance, elle m'a donné des clés pour remonter la pente petit à petit. Cette personne, c'est une puéricultrice de la Protection maternelle infantile (PMI) sans qui je n’aurais pas réussi. »
« Cette photo est le reflet de ce qui se passe dans ma tête et mon esprit « le vide ». Je suis entourée, bien entourée, mais je suis seule, perdue... L’arrivée de mon petit garçon a été un moment magique et une bénédiction mais aussi une suite éprouvante psychologiquement.
Je me suis souvent posée les questions : suis-je indispensable pour eux ? Et si je n’étais plus là ? Je suis mal, je les rends triste et j’en suis tellement désolée.
Le chemin est long, mais je vais réussir et finalement pour rien au monde je ne changerai cette période de ma vie. »
« Il arrive parfois qu’on ne se reconnaisse plus, que l’on survive, dépassée et désaffectée, que les idées s’amoncellent et se mélangent, que tout devienne confus au point même que les mots soient insuffisants et presque indicibles…
Peut être qu’une image dit alors plus que des mots ? »
« La première chose qui me vient à l’esprit quand je pense à ce qui m’est arrivé, c’est l’envie de disparaitre. Ne plus rien entendre, ne plus rien faire. N’être plus rien. J’étais devenue mère mais je ne voulais plus être. J’étais tiraillée entre cette idée de ne plus exister et ce fait indiscutable que j’allais faire souffrir des gens en n’étant plus là. J’analysais la situation, si je disparais, ma famille va souffrir, donc comment trouver ma vie vivable ? Je ne voulais pas que mon fils grandisse en se disant que tout ça, c’était sa faute. Parce que ce n’est la faute de personne. »
« Sur la photo, je suis la petite fille tristement lumineuse. Je ne souhaite qu’être joyeuse, jouer et ne pas être seule. Mais ma mère ne me voit pas, elle est enfermée sur elle-même par la maladie. Elle la ronge de l’intérieur sans le montrer : elle reste digne. J’aimerai que ma mère me soutienne. Mais elle ne perçoit pas ma main tendue vers elle : elle l’ignore. Alors, je me raccroche à la lumière.
Aujourd’hui, j’ai 48 ans et j’œuvre pour que les femmes soient repérées dans cette souffrance des dépressions périnatales et prises en soins afin que chaque enfant soit soutenu aussi et qu’aucun membre de la famille ne reste seul. »
« Face au monde, nous avons la même vie que toute maman et sa fille… mais dans le miroir, je vois combien tes valises sont lourdes à porter, combien tu en es triste, souvent étrange. Je vois aussi combien je porte des habits bien trop grands pour moi. Je me sens responsable, un peu coupable. Est-ce que je pourrais faire mieux, pour toi, pour nous ? J’ai peur pour toi et pour nous.
Des années après, je cherche ton regard, tes images, je cherche les mots que tu dirais pour moi. Cela rendrait-il les valises plus légères pour nous ? C’est aussi avec notre histoire que je construis ma vie, et je la veux belle. »
« Comment je fais pour la sauver sans me noyer moi-même ? »
« L’arrivée d’un enfant peut être une croisière paisible mais aussi un voyage tempétueux avec des dépressions et des éclaircies. Le professionnel doit alors aider l’équipage à garder le cap, louvoyer pour ne laisser aucun matelot sur un récif. Même si l’élan de vie maternel est enfermé comme la colombe ; même si la tristesse et la sidération s’immiscent comme du venin dans la famille ; même si la maladie n’est ni identifiée ni acceptée ; même si l’on ne sait jamais si l’on bascule du côté du linceul ou du Christ nouveau-né, il faut chercher la lumière, l’arc-en-ciel de la vie.»
« La dépression périnatale a ressemblé à une période sombre, sans notion de temps.
Le filtre de la maladie empêche de voir et de se concentrer sur les jolies choses et les petits riens magiques.
La fatigue mine le quotidien.
Toute action demande une énergie colossale.
L’enjeu est de trouver cette énergie, malgré la culpabilité pesante, et de s’obliger à avancer, au risque de rester engluée ou de couler davantage. »